Loi handicap du 11 février 2005 : 3 ans après, des avancées limitées ! (11/02/2008)

3 ans après le vote de la loi handicap du 11 février 2005, qu'en est-il de son application et de son efficacité ? L'APF fait le point.

Premier constat : une mise en oeuvre décevante pour les personnes en situation de handicap et leur famille, alors même que cette loi a impulsé dans ses principes une dynamique de citoyenneté et de participation sociale.

Deuxième constat : un thème fondamental absent, celui des ressources. Un "oubli" qui pénalise l'impact de la loi sur le quotidien des personnes.

Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et prestation de compensation (PCH) : 2 dispositifs « phares » de la loi qui peinent encore à se mettre en œuvre et à répondre à l'esprit de la loi

> MDPH : on constate encore un manque de personnels, une logique trop administrative et médicale (logique de gestion de masse, non individualisée), un accueil et une information insuffisants en raison de l'absence de formation des personnels, des délais de réponses souvent très longs, des évaluations des besoins inégales et souvent à minima.

> PCH : si ce dispositif est souvent favorable pour les personnes les plus dépendantes, il exclut les personnes qui ont exercé leur droit d'option, pourtant garanti par la loi, en faveur de l'ancienne allocation compensatrice tierce personne (ACTP). En effet, la PCH ne prend pas en compte les activités domestiques, finance peu les aides techniques... Contrairement à l'ACTP, une allocation forfaitaire qui permet aux personnes - malgré leurs besoins d'aides - d'utiliser cette prestation pour compenser leur manque de revenu... Le droit option s'avère ainsi très souvent devenir un piège empêchant les personnes d'accéder à leurs droits.

De manière générale, les personnes qui ont fait le choix de garder l'ACTP sont sanctionnées puisqu'elles sont exclues de l'accès au Fonds départemental de Compensation !

Malgré des demandes répétées de rendre plus attractive la PCH, les personnes souhaitent assez peu renoncer à l'ACTP ; de ce fait les affectations PCH sont excédentaires et ne sont pas exclusivement réaffectées aux besoins des personnes !

La création du « 5ème risque de protection sociale » lié à la dépendance et au handicap annoncée par le Président de la République est l'occasion d'améliorer le dispositif mis en place par la loi du 11 février 2005. Les associations de personnes en situation de handicap et leur famille sont concernées par cette réforme : pour le moment, elles sont exclues des négociations en cours.

 

Accessibilité : une légitime inquiétude, plus que 6 exercices budgétaires avant 2015...

Les textes règlementaires ayant tardé à paraître, du retard a été pris dans la mise en œuvre de l'obligation de mise en accessibilité du cadre bâti existant et des transports. De plus, aucun texte satisfaisant sur les locaux de travail n'a encore vu le jour ! Et on constate une tendance des maîtres d'ouvrage (Etat, entreprises, hôteliers...) à appliquer la loi via son aspect dérogatif.

> Diagnostics accessibilité : la vigilance est de mise quant aux conditions dans lesquelles ils seront faits, notamment au regard du respect des normes « accessibilité ».

> Schémas directeurs : cela devait être fait pour le 12 février 2008... Un objectif non atteint dans la majorité des cas, et des problèmes de lisibilité et de coordination entre schémas directeurs.

> Commission communale pour l'accessibilité : trop de villes ne l'ont pas encore mise en place !

 

Accès à l'école : attention aux conditions d'accueil !

> Conditions d'accueil : on a pu assister à un renforcement de la scolarisation des enfants en situation de handicap. Toutefois, derrière les statistiques officielles, il convient d'être attentif aux conditions d'accueil telles que la formation et la disponibilité des enseignants, la formation et le recrutement des auxiliaires de vie scolaire, et le partenariat avec le secteur médico-social.

> Enseignants référents : liens entre la famille et l'école, ces derniers ont trop peu de moyens pour réussir leur mission.

> Réalité de la scolarisation : trop d'enfants sont accueillis à temps partiel et pas suffisamment accompagnés par l'école et l'ensemble des partenaires.

 

Accès à l'emploi : des initiatives...et des entraves !

Si les initiatives autour de l'emploi des personnes en situation de handicap se multiplient, leur taux de chômage reste toujours plus de deux fois supérieur à celui de la population valide.

> Locaux de travail : le décret concernant leur mise en accessibilité n'a toujours pas été pris, les projets successifs ayant tendance à limiter leur obligation de mise en accessibilité pour les locaux de travail existants !

> Fonds d'insertion des personnes handicapées pour la fonction publique (FIPHFP) : en plus des difficultés rencontrées dans sa mise en œuvre, les fonds alloués sont utilisés de façon scandaleuse. Ainsi, le gouvernement et les parlementaires ont décidé d'exonérer l'Education nationale de sa contribution au fonds, considérant que les sommes que ce ministère consacre au financement du dispositif des auxiliaires de vie scolaire (AVS) valent « embauche de personnes en situation de handicap », privant ainsi de fait des milliers de personnes en situation de handicap de la possibilité d'obtenir un emploi par le 1er employeur de France !

Les comités locaux du FIPHFP sont certes implantés sur le territoire national mais le nombre insuffisant de réunions prévues pour 2008 nous fait craindre de voir ces comités se cantonner à un rôle de chambre d'enregistrement retirant toute initiative à leurs membres élus.

> Entreprises adaptées (ex Ateliers protégés) : elles connaissent aujourd'hui de grandes difficultés économiques et ne sont pas suffisamment soutenues avec, à termes, le risque de voir exclus les travailleurs handicapés « les moins rentables » !

> Etablissements et services d'aide par le travail (ex CAT) : la tendance est de les considérer uniquement sur un plan économique... Leur dimension médico-sociale, inscrite dans la loi, doit être préservée !

> De manière générale, les dispositifs pour faciliter l'accès au travail des personnes en situation de handicap doivent être développés. Toutefois, un accès à l'emploi qui serait enfin facilité ne solde pas la question des ressources des personnes.

 

Concertation : les associations peu à peu mises de côté ?

Le rapport de Monsieur Patrick Gohet d'août 2007 sur la mise en place de la loi handicap a permis de souligner un certain nombre d'avancées mais aussi de sujets à revoir.

Aujourd'hui, le comité de suivi de la réforme politique du handicap installé le 23 octobre dernier pour poursuivre les conclusions de ce rapport tarde à engager concrètement ses travaux (six groupes de travail ont été définis, mais un seul vient de commencer à se réunir).

Par ailleurs, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), très actif lors des travaux sur la loi et sur les décrets, ne joue plus son rôle. Un certain nombre de dispositions sont introduites dans des textes législatifs sans concertation préalable et avis du CNCPH !

 

Aujourd'hui, si la loi handicap du 11 février 2005 a marqué une étape importante dans la politique du handicap, sa mise en œuvre effective tarde. Et il apparaît nécessaire d'engager de nouvelles étapes.

C'est bien dans cette optique que le mouvement Ni pauvre, ni soumis (www.nipauvrenisoumis.org) s'est créé, pour demander une réforme globale des ressources des personnes en situation de handicap ou atteintes d'une maladie invalidante, quel que soit leur âge afin de créer un revenu de remplacement d'un montant au moins égal au SMIC brut !

14:08 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : loi handicap, anniversaire | |  Facebook | | |