Conférence nationale du handicap : La Conférence des gestionnaires pointe les insuffisances des politiques publiques; elle attend des engagements et des actes concrets

Trois ans après la première Conférence nationale du handicap, l'heure est au bilan de la politique menée par le Gouvernement. Pour les acteurs du champ du handicap en général - et les gestionnaires d'établissements et de services pour personnes en situation de handicap ne font pas exception -, le bilan est jugé insuffisant.

Restrictions financières sous couvert de crise budgétaire, solutions partielles ou inadaptées pour les personnes handicapées..., le décalage entre les promesses de 2008 et l'état des lieux dressé par les gestionnaires est sans appel.

Depuis plusieurs semaines, en préparation de la Conférence nationale du handicap, Roselyne Bachelot multiplie les annonces et les réassurances, sans convaincre. A cette occasion, la Conférence des gestionnaires1 attend du chef de l'Etat des engagements forts, concrets et précis, pour tenir ses ambitions initiales et donner toute la place qui revient de plein droit aux personnes en situation de handicap dans notre société.

Attente : à quand le vrai débat de société sur le handicap ?

Les chiffres ne trompent pas : 1 Français sur 3 est concerné de près ou de loin par le handicap (famille, entourage, aidants...), soit au total 20 millions de personnes. Force est de constater pourtant que depuis 2005, il n'y a pas eu de véritable débat sur le handicap, intégrant la société civile, les personnes handicapées et leur famille, les acteurs du secteur et les pouvoirs publics, autour de l'ambition partagée d'une société inclusive. La politique du handicap reste encore trop souvent une politique de « cabinet ». C'est maintenant une politique interministérielle portée par le Président de la République et le Premier Ministre qui doit voir le jour. Il en est de même concernant le débat sur la perte d'autonomie qui, afin de déboucher sur les solutions les plus appropriées, doit réunir l'ensemble des Français.

 

Inadéquation : un décalage systématique entre les réalités de terrain et les discours politiques

En faisant un bilan positif de la politique du handicap ces dernières années, l'Etat ne semble pas conscient des réalités du terrain, alors même que le secteur traverse une importante crise budgétaire et sociale. Rapide tour d'horizon :

-          Freins sur les créations de places en établissements et services pour personnes handicapées : en décembre 2010, 11 350 places avaient été créées. Par projection, au final, entre 15 000 et 18 000 places seulement auront été ouvertes début 2012[1]. Nous serons alors bien loin des 50 000 places promises par le Président de la République pour la période 2008-2012.

-          Baisse des crédits des associations gestionnaires: pour la première fois depuis 60 ans, les associations gestionnaires d'établissements et de services pour personnes handicapées sont confrontées à des baisses de crédits effectives en euros constants et à périmètre constant.

-          Des dispositifs d'aide à domicile en péril : le désengagement de l'Etat dans ce secteur est inacceptable ! Baisse et fractionnement des plans d'aide, incohérence du dispositif de tarification des prestations d'aide à domicile : de nombreux services d'aide à domicile sont aujourd'hui contraints de fermer leurs services, privant les bénéficiaires des prestations dont ils ont besoin.

-          Des restrictions se manifestent également dans le champ de l'insertion et de la formation professionnelle (baisse des crédits de rémunération des stagiaires de la formation professionnelle notamment). Rappelons que 85% des personnes en situation de handicap ont un niveau Bac ou inférieur, ce qui freine leur accès à l'emploi.

-          Un malaise grandissant des personnels du médico-social : baisse du pouvoir d'achat2 et donc de l'attractivité des métiers du secteur, niveau d'emploi utilisé comme variable d'ajustement, nombre croissant de « faisant fonction »... autant de réalités qui dévalorisent la professionnalisation et menacent directement la qualité de l'accompagnement des personnes Le malaise est flagrant pour les auxiliaires de vie scolaire comme pour les professionnels accompagnant les personnes ayant des difficultés psychique.

 

Aberration : une « délocalisation forcée » des personnes en situation de handicap et de leur famille

Faute de solutions en France, 7 500 personnes sont obligées de se rendre en Belgique, en Allemagne ou encore en Espagne pour avoir une place dans un établissement ou un service. Non seulement cette situation est absurde et inacceptable mais elle représente également une aberration économique : les financements publics français servant à financer une prise en charge à l'étranger sur laquelle les pouvoirs publics n'ont aucun droit de regard ! Et à cela s'ajoute la perte d'emplois nette. Cette situation va-t-elle durer encore longtemps ou l'Etat va-t-il enfin investir durablement pour des créations de places en établissements et services ?

 

Piétinement : un engagement politique sur la scolarisation qui tarde à être suivi d'effets

Malgré la volonté affichée des pouvoirs publics d'améliorer la scolarisation des enfants handicapés, de trop nombreuses lacunes demeurent : lenteur de traitement des dossiers par les MDPH, manque de formation des enseignants, manque de professionnalisation des auxiliaires de vie scolaire,... Par ailleurs, il devient urgent de soutenir, de valoriser et de développer la coopération entre l'Education Nationale et le médico-social tant au niveau national qu'au niveau des territoires.

 

Aveuglement : un refus de considérer la politique de handicap comme un investissement pérenne

L'Etat s'obstine à mener une politique de rigueur à court terme, dans une logique de réduction des déficits publics. Pourtant, investir dans la scolarisation des enfants handicapés c'est permettre plus tard à ces personnes d'avoir un emploi, c'est en faire des citoyens à part entière, acteurs et créateurs de richesse dans une société inclusive.

L'impact social des politiques publiques est une donnée mesurable, dont chacun admet aujourd'hui la légitimité. Pour ne prendre qu'un exemple, celui du travail adapté et protégé, une étude récente de KPMG3 (sur demande de l'Union nationale des entreprises adaptées) a démontré que le retour sur investissement des aides aux postes pour les entreprises adaptées était supérieur à ce même investissement, en termes de recettes fiscales et sociales. Or, en ce moment même, le gouvernement mène une politique d'austérité en la matière : la suppression de 500 aides aux postes dans les entreprises adaptées a été votée dans le cadre de la loi de finances 2011. A cela s'ajoute la réduction de 5 millions d'euros des crédits de subvention spécifique. Ces décisions constituent à la fois une injustice pour les personnes handicapées et une aberration économique. Elles privent en effet les entreprises adaptées des moyens humains nécessaires, au moment où elles récupèrent des marchés, après une dure période de crise.

 

 

La Conférence des gestionnaires attend une conférence nationale du handicap ambitieuse, à la hauteur des enjeux actuels. Elle s'attachera à faire valoir ses positions lors de cette conférence ainsi que lors de la future campagne présidentielle. Ce ne sont plus des paroles et des discours que les gestionnaires veulent entendre, mais bien des engagements fermes, des actes concrets et la promesse d'un développement durable dans la politique du handicap.

 

 

Afin d'adresser aux établissements et services un signal positif, la Conférence des gestionnaires demande d'ores et déjà aux pouvoirs publics de prendre les décisions concrètes suivantes :

 

  • Le dégel de 50 millions d'euros de crédits de la CNSA, sur les 100 millions d'euros gelés par les pouvoirs publics en 2011 (soit 20 % des crédits gelés sur l'ensemble des financements de l'assurance-maladie). En effet, dans le contexte actuel de gel des crédits, les pouvoirs publics font supporter au secteur médico-social bien plus que les 10 % qu'il représente au sein des crédits d'assurance-maladie ;

 

  • Dans le cadre de l'examen à venir de la prochaine loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011, le rétablissement de 100 millions d'euros de crédits d'assurance-maladie pour la CNSA dans la base budgétaire médico-sociale prévue pour 2011 et ce, au titre des 100 millions restitués par la CNSA à l'assurance-maladie fin 2010 (décision éminemment contestée lors des débats du PLFSS 2011).



[1] Chiffres correspondant au nombre places effectivement créées. Ces chiffres différent des chiffres avancés par les pouvoirs publics qui correspondent aux nombres de places autorisées mais non effectivement créées.

 

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